Témoignages
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Entre les deux, mon coeur balance
Nous en avions toujours entendu parler: on va construire un nouveau lycée à Apt!
Il est vrai que le projet dormait dans un fond de tiroir depuis une bonne dizaine d’années. Enfin, ça y est, le chantier est commencé. Déjà de la fenêtre de nos misérables baraquements qui nous servent de classes, on voit (et on entend) fonctionner les grues et les bétonnières. Mais, maintenant que l’on est certain que c’est pour du bon, plus d’un se prend à le regretter ce cher vieux “bahut”, où nous avons tous bien ri (quelquefois aussi travaillé).
Adieu la ‘”poésie” des murs croulants, des fenêtres bouchées par des cartons, des tuyaux de poêle sortant de ces mêmes fenêtres et des poêles qui s’obstinent farouchement à refuser de fonctionner et à réclamer leur retraite. Adieu, les embouteillages de 8 heures et de midi devant la trop étroite sortie, adieu les sens uniques imposés par des couloirs trop étroits, adieu la mare aux canards qui tient de place de cour les jours de pluie, adieu les boîtes de conserve qui, dans notre “amphi” récoltent des gouttes d’eau tombant des conduits de fumée, adieu enfin aux salles noires et enfumées où nous et nos ancêtres avons potaché depuis tant d’années… et où nous continuons toujours à le faire.
Voilà que vient vers nous une “boite” de béton, impersonnelle, inhulaine, qui va détrôner notre ancien couvent des Cordeliers construit par ces derniers au Moyen Age. Mais, qui oserait s’en plaindre, surtout pas les “pancus”, qui doivent soir et matin faire une petite promenade par les rues de la ville afin de joindre leur dortoir au bahut…
Jacques Rigouard. 1ère M
(extrait du Journal des élèves du Lycée d’Apt paru au “Trait d’Union” bulletin inter-foyers - Fédération des oeuvres laïques de Vaucluse - 3° trimestre 1964-1965 )
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Où est-il notre vieux collège?
Où est -il notre vieux collège? Si vieux, mais si sympathique! C’était en effet l’ancien couvent des Cordeliers, avec des murs épais, des barreaux aux fenêtres, des classes souvent exigües, mais où l’atmosphère était toujours chaleureuse et l’ambiance familiale. Il faut dire que, avec une seule classe par niveau, nous étions sûrs de conserver les mêmes camarades tout au long de notre scolarité, de la sixième à la terminale. Naturellement les professeurs nous connaissaient tous.
Le collège comptait un grand terrain de sport attenant, un bassin qui tenait lieu de piscine, la vieille chapelle du couvent avait même été transformée en gymnase. Bref rien n’y manquait!
Le jeudi très souvent, les équipes sportives (dont je faisais partie) partaient en autocar à la rencontre d’autres équipes telle qu’Avignon, Carpentras, Orange, ou Manosque. Le dimanche parfois, des sorties étaient organisées à pied ou à vélo à Fontaine de Vaucluse, aux Gorges du Verdon, au Signal de St Pierre, ou au sommet du Mont Ventoux pour admirer le lever du soleil.
Nous sommes même allés à bicyclette, camper tout un week-end à l’étang de la Bonde. M. Arnaud, le professeur d’éducation physique, pédalait avec nous. M. Perrois, professeur de français, latin et grec, et le principal M. Mouly, suivaient en voiture et transportaient tentes et nourriture. Au programme: baignade, feu de camp, pique -nique, toute une aventure! Au tout début des années 50, une telle excursion était chose rare, d’autant plus que le collège était mixte.
En fin d’année, une fête scolaire était organisée avec distribution de prix. Je faisais partie d’une troupe théatrale, animée par M. Perrin, professeur d’histoire et géographie, en compagnie de Serge Bec, Pierre Pessemesse et Jeannot Martinetti entre autres. Les pièces que nous montions étaitent destinées à être jouées lors de ces fêtes ( je me souviens notamment du “Médecin malgré lui” ). Quelques “grands” ( élèves des classes supérieures ) avaient monté un orchestre.
Nous y avons vécu vraiment des moments merveilleux, et je suis sûre que nombreux sont ceux qui ont gardé de cette époque un excellent souvenir.
Jacqueline Bruna (épouse Servel) élève d’ Octobre 1945 à Juin 1953
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Le dernier son de cloche.
Les beaux jours arrivaient; bientôt les grandes vacances. Dès la fin du repas, les “droulas” se rassemblaient, assis sur le parapet, à côté du pont des Cordeliers, avant la reprise de l’après-midi.
- On monte à la “gardi”?
- Y fait chaud…On n’a pas le temps…
- C’est pas loin.
On trainait un peu. Le temps passait. Et puis… Qui partait le premier? Je ne sais plus.
- On y va…
Et c’était l’ascension de Notre Dame de la Garde ( pas celle de Marseille bien sûr), jusqu’à la chapelle. Nous n’avions pas de montre. Tant mieux. C’eût été pire. Car le jeu consistait à attendre, là-haut, le premier coup de cloche du collège pour plonger dans le raidillon et rejoindre notre place en classe avant la sonnerie de rappel, fatale celle-là.
Face à la pente, dominant les toitures, tendus comme des cordes de violon et l’oreille dressée, nous attendions. Un ou deux d’entre nous, n’y tenant plus, commençaient à descendre.
- Dégonflé! Dégonflé!
L’heure approchait. Les coeurs battaient, le silence était insoutenable.
- ça sonne !!!
Bousculade dans la cheminée calcaire. Ventre à terre dans le raccourci, “l’ Escourche”, véritable toboggan. Sauter sur la voie ferrée, puis dernière dévalade jusqu’au Calavon. La route de Viton, traversée en trombe, sans souci de véhicules, heureusement rares, la cour d’honneur, la salle de classe où les filles étaient déjà assises.
Effondrés sur nos bancs, transpirants, poussiéreux, l’air innocent, nous évitions le regard du maître, Monsieur Poncet, tandis que dans la cour Madame Semaire, concierge, actionnait la cloche à toute volée, pour la seconde fois.
Nous étions sauvés.
“Vivre dangereusement” écrivait Nietzsche.
Pierre Clamen.
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J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Non, non, je ne me prends pas pour Baudelaire, mais les rubriques sur notre vieux bahut ont fait surgir en moi un tas de souvenirs et je me suis décidé à vous en rappeler quelques uns.
Qui se souvient, tout d’abord, de ces rencontres musicales extra scolaires qui avaient lieu chez Pierre Clamen: Thomas jouait de la clarinette, j’en jouais aussi avec autant de fougue, mais moins de talent. Quant à Pierre Clamen, il était impérial lorsqu’il frappait sur sa “caisse claire”, son “Tom” ou sa cymbale Zildjian”.
Monsieur Arnaud, professeur d’EPS, y assistait quelquefois, en tant que beau-frère de Pierre Clamen. Cet évènement hebdomadaire avait lieu rue Saint Pierre, au dessus des appartements du Docteur Badier. Souvent Monsieur Clamen père interrompait notre récital: il rentrait et laisait tomber ces mots terribles: “Vous avez les félicitations négatives de Madame Badier”. Pierre avait une foule de 78 tours que nous écoutions religieusement: Amstrong, Duke Ellington, Lionel Hampton, Rex Stewart étaient le plus souvent au programme.
Et le bahut: il était dirigé alors par Gustave Rivaut (Tatave). C’était un ancien officier qui avait fait la guerre de 1914-1918 (ce qu’il ne manquait pas de nous rappeler). Il était peu considéré aussi bien par les professeurs que par les élèves. Il fut à plusieurs reprises très indulgent avec moi car il tenait mon père en grande estime: il possédait en effet une très belle collection de pendules anciennes et mon père, horloger, les réparait le plus souvent gratuitement.
Le seul professeur agrégé était Monsieur Clauzade, professeur de biologie. C’était un homme doux et cultivé qui faisait chaque année les “emploi du temps” de ses collègues, opération que Tatave était incapable de réaliser.
Notre prof de philo était Monsieur Cailloux: totalement myope (il ne trouvait jamais le trou de la serrure lorsque nous entrions en classe) mais quelle gentillesse et quelle culture! Il n’avait qu’un défaut, mais cela est strictement personnel: son maître à penser était le philisophe Kant. Il en parlait à chaque heure de cours. A ce propos, si vous avez l’habitude d’utiliser le soir pour dormir des “tranxènes” et autre “lexomil”, remplacez ces dédicaments par la lecture de quelques pages de la “Critique de la Raison pure”, c’est radical et il n’y a pas d’accoutumance.
Notre amis Bouer délaissait à regret la réfection de son château de Lacoste pour venir nous apprendre un peu d’anglais. Le mercredi soir, il y avait le “club d’anglais”. Il nous recevait chez lui, toutes classes confondues et on répondait à ses questions chacun à notre tour! c’était plus un moment de détente qu’une heure de cours.
Jean Chaume était le professeur l’allemand, il avait une très belle voix de basse et n’hésitait pas à entonner un “lied”. Dans la salle à côté, le pauvre Monsieur Badelon n’arrivait plus à faire cour. Ce dernier aussi était une “figure”: on lui avait fait une chanson “La Badelon vient nous servir à boire…”.
Chez Monsieur Perrois, en français et en latin, le ton était moins à la plaisanterie. Il était excellent pédagogue mais sévère et exigeant. Le jour où il rendait les dissertations, il arrivait, l’oeil sombre, jetait le paquet de copies sur son bureau et s’écrivait: “c’est lamentable!”.
Mais le ,véritable pilier de l’établissement était Monsieur Piève. Il surveillait la permanence, les études du soir, les “colles” du mercredi matin! . Il s’était auto-proclamé prof de dessin car il n’y avait pas de titulaire. Quelques années après, la technologie fit son entrée dans les programmes et Monsieur Piève devint professeur de technologie. Il termina sa carrière comme surveillant général.
Il y a un souvenir plus lointain qui concerne Monsieur Taulemesse, prof de français-latin en 4ème et 3ème. Le matin, il était assez brillant, mais après le repas arrosé de quelques vins de pays, l’élocution était plus hésitante, et la traduction de la “guerre des Gaules” plus approximative.
Allons! il est 9H30, Madame Semaire va faire le tour des classes pour relever le nom des absents.
Salut à tous.
Pierre Perrin dit “Blédine”
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Faire le mur.
Au bahut, il y avait deux catégories d’élèves: les externes et les “panculs”.
Etre “pancul”, c’était un peu comme être en prison: pas de sorties, même pas le dimanche pour certains.
Aussi, le désir d’évasion se faisait sentir et, pour déjouer toute surveillance, il fallait trouver un moyen de sortie clandestin, c’est à dire “faire le mur”.
Le dortoir se trouvait situé au dernier étage et fermé à clé. La seule solution possible pour sortir était de passer par une fenêtre.
Par la fenêtre on prenait pied sur la marquise (grand auvent qui protégeait la terrasse d’accès aux salles de classe du premier étage).
De là, à pas de chat, on se dirigeait vers la classe de Prosper (surnom de M. Buou, prof de physique-chimie), on passait sur le toit, puis on descendait un brin de gouttière pour arriver presque au niveau de la toiture d’un local abritant les cordes à grimper. De là après avoir exécuté un mouvement pendulaire bien calculé, on posait un pied puis l’autre sur cette toiture.
Les quelques mètres restant à descendre ne présentaient aucune difficulté. Une fois à terre, il n’y avait plus qu’à passer par dessus le mur de la cour ou le Calavon.
Pour rentrer, on suivait bien sûr le chemin inverse avec une seule crainte: trouver la fenêtre fermée par un mauvais plaisant et finir la nuit sur la marquise.
J’ai emprunté plusieurs fois cette voie avec Pierre Roux (qu’est-il devenu?) et, inconscients, nous n’avons jamais été retenus par les risques encourus: graves sanctions ou renvoi du bahut.
“Vivre dangereusement” écrivait Nitzsche.
Un soir, avec Pierre Roux, nous décidâmes de “faire le mur”, pour aller au cinéma.
A l’entr’acte, stupéfaction ! Tatave (surnom du principal) était dans la salle!
Nous sortîmes en vitesse: il fallait trouver un moyen de neutraliser l’adversaire car nous savions qu’en rentrant il visiterait le dortoir.
Nous aperçûmes sa voiture garée à la pente dans la rue près du “Familia”. Nous savions qu’elle ne démarrait qu’à la manivelle. Comme nous étions de grands stratèges, nous trouvâmes rapidement une solution.
Un peu avant la fin du film, ce fut vite fait d’avancer la voiture, le pare-choc avant contre le mur en face de la rue. Pendant que Tatave dégagerait son carrosse pour pouvoir tourner la manivelle et rentrerait au bahut, nous aurions le temps de rejoindre le bercail.
Nous étions à peine couchés qu’un clé cliqueta dans la serrure; Une ombre précédée d’une torche électrique fit le tour du dortoir en s’arrêtant à chaque lit.
Ainsi Tatave put constater que la troupe était au complet, et il s’en fut comme il était venu, en prenant bien soin de refermer la porte à clé.
Mon coeur, qui battait la cadence d’une marche de chasseurs alpin, mit longtemps à retrouvez un rythme normal.
Yves Thomas.
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La petite histoire (de France).
C’était l’année de l’ouverture du nouveau bahut en septembre 1966. Cette année là, je redoublais ma seconde car l’année précédente avait été ma première année d’externe au lycée d’Apt, ayant quitté l’internat du lycée Benoit de l’Isle sur la Sorgue à l’issue de ma classe de 3ème. Ce changement de statut ne fut pas sans difficultés pour moi.
Ce qui frappa mon esprit à ce moment là, ce n’était pas les nouveaux locaux qui bien que très imposants ne nous apparurent pas trop dépaysants, mais plus la rencontre d’un homme merveilleux, bourré de talent et d’humanisme: notre prof d’histoire et géo : Louis Perrin.
Je le vois encore débouler depuis l’escalier B (le central réservé aux profs) le matin de la rentrée à la première heure de cours. Toujours à la limite du retard, le cheveux hirsute, la cravate mal nouée, et selon l’humeur avec ou sans chaussettes dépareillées ! Il habitait de l’autre côté de la ville, sur l’avenue Philippe de Girard à la sortie des usines Jaumard, et se déplaçait à vélo. Aussi n’avait-t-il pas souvent le temps de se remettre de son trajet sportif, que la cloche sonnait. C’est donc ainsi qu’il nous apparût le jour de la rentrée salle 116 au 1er étage, classe de 2ème C.
Son premier cours était intitulé à la manière des oeuvres de Guy Breton « La petite histoire de France ». Il nous expliquait que l’ histoire écrite dans nos livres n’était pas la seule source de connaissance des faits qui ont marqué notre civilisation, et qu’il fallait être, en ce qui concerne l’histoire moderne à l’écoute de témoignages vécus lorsqu’on avait cette opportunité dans notre entourage, ou attentif à une lettre personnelle découverte dans un grenier, et pour les périodes plus reculées, au gré de nos voyages, à une pierre que l’on repèrera parmi des ruines et qui nous renseignera, si l’on sait la lire, sur un évènement passé dans le site que l’on aura ainsi visité. Et pour cela il fallait développer notre sens de la curiosité en essayant de rattacher nos propres découvertes aux lignes essentielles de l’ Histoire qu’il allait essayer de nous transmettre.
Jusque là, tout allait bien, le discours étant bien rodé, et nous étions tous pendus à ses mots. Vers la fin cependant, une gêne apparût dans sa démarche, quelque chose le mettait mal à l’aise.
Ayant fait d’un regard circulaire le tour des redoublants, il s’arrêta sur un autre personnage de cette année inaugurale, Jean-Jacques C.
Elève gouailleur, à l’époque, doué pour les sports qu’il pratiquait en club (l’ESA pour les connaisseurs), Jean-Jacques est le prototype du copain de classe qu’on oubliera jamais. Toujours présent pour les bonnes et moins bonnes plaisanteries, partisan du moindre effort et de l’axiome géométrique de la ligne droite qui lui est associé. Je l’ai souvent vu mettre en oeuvre cette pratique dans les matches de foot où il sévissait avec succès et grande réputation en sérieux « tacleur ». Avec lui, à l’instar de l’OM, « droit au but », aurait pu être aussi sa devise.
Donc notre prof reconnu son ancien élève de seconde qu’il avait eu l’année précédente dans l’ancien bahut. S’approchant de lui, il lui chuchota :
« Jean-Jacques, j’ai un service à te demander : J’ai perdu mes cours d’histoire et sachant que tu en avais pris bonnes notes l’année dernière, j’aimerais que tu me les prêtes afin de m’aider à m’y retrouver dans le programme de cette année ».
A très haute voix Jean-Jacques répondit: « C’est d’accord Monsieur Louis, mais cela signifie que je serai dispensé toute l’année de prendre des notes. »
« bien sûr » répondit M. Perrin.
Et en riant à gorge déployée Jean-Jacques surenchérit :
« bien sûr j’aurai une note de 20/20 en participation pour chaque trimestre ».
« Ça on verra mon cher Jean-Jacques » rétorqua-t-il.
« Si tel n’était pas le cas, je reprendrai mes cours » conclu Jean-Jacques.
L’affaire était mal engagée, car cette menace pesait lourdement sur nos têtes, n’étant de ce fait pas sûrs de connaître la fin des guerres Napoléoniennes, la Restauration, la III ème république, et tout le reste…
L’irréparable arriva très vite: Jean-Jacques se dispensa de prendre des notes pendant les cours d’histoire, mais aussi d’écouter. Il devint un peu trop présent, à la limite perturbateur. Louis Perrin fit preuve de beaucoup de patience à son égard, jusqu’au jour où n’en pouvant plus des pitreries de son créancier, il le mit à la porte de son cour d’histoire !
Jean-Jacques, fidèle à ses engagements repris son cahier posé sur le bureaux du Prof, devant l’ensemble de la classe stupéfaite. C’est ainsi que la fin du premier trimestre se termina de façon chaotique, Louis Perrin lisant quelques notes qu’il avait griffonné sur un papier.
Un événement allait au début du second trimestre changer la donne.
Un lundi alors qu’en attendant M. Perrin, nous étions occupés à “dénoyauter” les murs en béton du couloir, (les noyaux de cerises des confiseries locales finissaient à cette époque leur cycle industriel dans le Calavon et retrouvaient une attribution décorative dans les agrégats exploités par les entreprises du btp pour confectionner leur béton, où ils réapparaissaient sertis, comme ce fut le cas pour la construction des murs des couloirs de notre lycée), Jean-Jacques, lui, nous faisait comme tous les lundis, les commentaires des matches du week-end, en l’occurence de rugby ce jour là.
Cette année là l’équipe de France avait eu de réelles chances de remporter le tournoi des cinq nations, mais une fois de plus les arbitres, tous anglo-saxons, s’étaient ligués contre notre équipe pour nous mettre des bâtons dans les roues en nous faisant perdre des matches sur des pénalités de principe de jeux. Les règles étant anglaises, il était normal que nos joueurs à l’époque aient des difficultés d’assimilation, l’anglais étant pour nous français, tellement étrange, voire incompréhensible.
Donc le tournoi débuta sur une rencontre contre l’ Ecosse où malgré deux essais marqués par nos valeureux joueurs, nous fûmes battus hélas par l’arbitre anglais, sur des pénalités à notre sens imaginaires. Cette injustice fût mal vécue et la haine qui en découla se répandit même pendant le cours de géo.
A peine rentré en classe, Jean-Jacques interpella Louis pour connaître son point de vue sur ce match.
“ Bien sûr la base de la bonne éducation sportive c’est le Fair-play : il faut respecter l’adversaire, l’arbitre et les règles. C’est un minimum… Mais oui je suis d’accord avec Jean-Jacques, on s’est fait voler ce match ! ” nous dit-il.
Jean-Jacques renchérit : “ Trop c’est trop ! .. On n’a qu’à faire un tournoi sans les Anglais ! ”
C’est ainsi qu’on s’achemina vers une demi-heure de discussion de bistros à laquelle les filles n’étaient pas conviées d’ailleurs:
“ Gachassin avait bien marqué l’essai qui lui a été refusé pour un hypothétique pied sur la ligne de touche. D’ailleurs la ligne fait-elle ou pas partie du terrain ? Pour nous oui, pour les Anglais non !”
“ C’est comme la conduite sur la route: ils sont vraiment bizarres ces Anglais, ils ne font rien comme nous. Ce n’est pas pour rien que De Gaulle leur refuse l’entrée dans le marché commun, d’ailleurs c’est pour ce venger de cela qu’ils nous en font tant voir au tournoi.»
« Et puis , il n’y a qu’un arbitre Anglais pour nous siffler autant de fautes imaginaires. »
« Heureusement que Carrere a su nous venger en pénétrant dans les lignes de ces foutus écossais ! Quel essai ! Voilà ! ça c’était pour le bûcher de Jeanne et puis pour Trafalgar et même pour Waterloo »…
Ouf! ça y était, l’Histoire revenait à grands pas, Jean-Jacques et Louis s’étaient réconciliés. Nous avions perdu le match, mais nous allions retrouver notre programme !
C’est ainsi que Louis Perrin nous aura fait aimer l’histoire. Aujourd’hui dans mes balades je cherche les pierres qui parlent, dans les vide-greniers je suis attentif aux vieilles cartes postales,… pour la petite histoire…
Merci M. Perrin . Que ne vous ont-ils pas mis au Panthéon !
Jean-Marie MOUTTE
Eléve de 1965 à 1969 (2°C,2°C ,1°D,TD)
Surveillant d’externat de 1972 à 1978